[ACCI-CAVIE] Lobbying, influence ou encore soft power, des concepts qui sont très utilisés dans les relations internationales depuis plusieurs années. Les États pratiquent cette puissance pour agir, interagir ou réagir face à une situation donnée, dont le but est de mettre indirectement une pression, capable de convaincre l’autre partie à accepter et adopter les règles mises en jeu. Défini par le géopolitologue américain Joseph Nye en 1990 comme « l’habileté à séduire et à attirer » (Nye, 1990), le soft power est la capacité pour un acteur (un État, par exemple) d’influencer le comportement d’autres acteurs par des moyens non coercitifs et intangibles, qui regroupent essentiellement des moyens idéologiques et culturels.
L’Afrique était un bon élève à ce propos. Avec beaucoup de retard, certes, mais la lignée choisie jusqu’à présent ne peut qu’être félicitée. C’est notamment le cas de l’introduction de l’anglais dans le secteur de l’enseignement. En effet, la stratégie de l’enseignement adoptée par le Rwanda au départ, puis par le Gabon après, représente l’image de marque du soft power africain dans ce secteur. La réussite économique fulgurante du Rwanda ces dernières années est due essentiellement au dynamisme anglo-saxon, avec de nouveaux débouchés intelligents qui ont été ouverts sur des pistes non exploitées auparavant. Le Gabon a aussi choisi de sortir de l’espace francophone et a réussi à adopter l’anglais comme une deuxième langue officielle du pays, et ce depuis le pré-primaire et le primaire.
Le Maroc a procédé le mois de novembre 2022, devant SM le roi Mohammed VI, à la nomination des membres du Conseil Supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFES). Une vingtaine d’experts et de spécialistes, reconnus pour leur expertise et leur compétence dans ces domaines vont se charger de définir les politiques publiques dans ce secteur crucial, en vue de promouvoir l’école marocaine, offrir un enseignement de qualité à tous et garantir l’équité et l’égalité des chances dans ce domaine.
Cette décision laisse réfléchir autour de plusieurs enjeux. S’agit-il d’un changement radical du processus actuel d’enseignement ou d’une stratégie routinière comme toutes celles précédentes, ayant une date de fin pour passer à une autre nouvelle? Comment peut-on résoudre les défaillances et les échecs des programmes antécédents, en s’adaptant avec les nouvelles données internationales de l’enseignement actuel?
Je pense que le Maroc, entant qu’un pays africain, a bien tracé les traits de son soft power en matière diplomatique, politique et économique dans la scène internationale. D’ailleurs, le cabinet britannique « Brand Finance », a publié son rapport « Soft Power Index 2022 », qui classait le Maroc parmi les trois pays africains les plus influents au monde, et ce grâce à ses grands efforts diplomatiques. Avec tout ce spécial trajet parcouru, le Conseil Supérieur susmentionné devrait maintenir cette image de marque et mobiliser tous les pré-requis nécessaires pour changer radicalement le modèle de l’enseignement marocain. Il ne s’agit pas de modifier des pratiques, ni d’apporter des solutions à des anciens problèmes, ni même de proposer une nouvelle feuille de route avec une échéance.
Il s’agit plutôt de penser à développer un nouveau modèle totalement différent de l’ancien. Un modèle solide et capable de suivre la vitesse des avancées technologiques, numériques et digitales. Un modèle, qui soit avec son contenu, un soft power pour les autres nations. Un modèle d’enseignement riche et polyvalent
qui produirait des générations polyvalentes, conscientes, intelligentes et équilibrées. Un modèle maroco-marocain qui respecte aussi les traits caractériels des spécificités nationales, aussi bien culturelles et idéologiques que politiques et économiques. Finalement un modèle ambitieux capable d’asseoir un programme scolaire fort par sa composition plurielle, par sa philosophie participative des diverses parties prenantes, et surtout par son approche constructive entre le privé et le public.
Ghizlane Salam
Réprésentante résidente du CAVIE au Maroc