Le 20 mars 2023, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a célébré à travers le monde la journée internationale de la Francophonie sous le thème : « 321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels ». La représentation de l’OIF près l’Union européenne, sous la conduite de l’Ambassadrice Fatou Isidora MARA NIANG, a pris une part très active dans ce processus et nous a offert un panel d’activités, en plein cœur de l’Europe, qui en disent long sur l’influence souhaitée.
La Francophonie est avant tout, au moment de sa conception un espace culturel ayant en partage la langue de Molière, riche de son humanisme et de valeurs universelles. Du fait de sa démographie ainsi que du nombre d’États membres, des pères fondateurs, l’Afrique en est le principal vivier. Il nous paraît par conséquent naturel d’aborder l’avenir du français avec un regard particulier sur le continent qui est doté d’une population jeune dont une bonne prise en compte des aspirations devrait fortement contribuer à la pérennité de cette langue, devenue patrimoine commun.
Le monde francophone, à l’image des blocs concurrents, fait face aux principaux défis planétaires tels que le changement climatique, la transition écologique, la démographie, l’alimentation, l’insécurité, l’immigration, l’éducation, le numérique, la santé, la protection des océans. Il s’agit par conséquent de savoir comment la francophonie peut agir de façon spécifique, c’est-à-dire en s’appuyant sur ses avantages comparatifs absolus, pour générer un développement harmonieux, vertueux qui la rendrait vitale à ses locuteurs.
L’enjeu francophone apparait ainsi, naturellement économique. Le 04 mars 2023, à Kinshasa, le Président de la République Française, Monsieur Emmanuel Macron rappelait à juste titre qu’il séjournait dans le plus vaste et le plus peuplé pays francophone au monde. Les enjeux de développement en République Démocratique du Congo sont un parfait exemple du champ des possibles pour un ancrage renouvelé de la langue française autour d’une dynamique économique crédible et sincère. La nécessité de crédibilité dans l’approche du développement francophone en Afrique est d’autant plus urgente que les différents sommets Afrique : Chine, USA, Russie, Inde, Turquie, Union-Européenne…révèlent systématiquement une dimension de guerre économique évidente, caractérisée par le déploiement de divers instruments d’influence allant du « hard au soft power ».
Langue française : de la parole à l’acte
Le Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique (CAVIE), présidé par Guy Gweth est une association internationale créée en 2015 à Yaoundé au Cameroun. Le Centre attache une place particulière au « soft power africain » autour de la formation en matière de veille sectorielle, d’intelligence parlementaire, économique, culturelle et stratégique. La production de connaissances étant un maillon essentiel de cette ambition, le Cavie réponds de manière très concrète à l’enjeu du renforcement de la francophonie par l’économie. C’est ainsi qu’il est intervenu sous le parrainage de l’OIF en marge du XVIIIème Sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie en novembre 2022 à Djerba en Tunisie, pour y organiser le tout premier Festival de l’intelligence économique francophone (FIEF) dont le fruit des travaux a été synthétisé dans un Livre blanc au titre explicite : « Doper la francophonie économique ».
En avant-propos de cet ouvrage, les mots de Claude Revel (Déléguée interministérielle française à l’intelligence économique de juin 2013 à juin 2015) sous la rubrique « Doper la compétitivité de la Francophonie économique » sont assez clairs concernant les enjeux que nous abordons dans cet article : « La Francophonie économique représente une réalité incontestable, avec près de 15% de la population mondiale, environ 16% du produit national brut mondial et 20% des échanges mondiaux de marchandises. En 2050, la population des pays membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie approchera 2 milliards d’individus dont 700 millions de locuteurs en français. Le français maintient une place honorable sur l’internet. Cependant la Francophonie économique ce ne sont pas que des chiffres et des algorithmes. C’est aussi la capacité à être un vecteur de principes, la capacité à agir en réseau, y compris avec des mondes concurrents et enfin, la capacité à proposer des solutions efficaces pour les acteurs économiques ».
La prise en compte de la diversité culturelle est un facteur décisif pour l’acceptabilité des normes et donc la cohésion dans l’espace francophone qui s’étend de l’Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique. C’est ce sur quoi insiste Long Trang en préambule (Expert maritime, Président de la Chambre de Commerce Belgo-Vietnamienne) du livre blanc : « Nous nous accordons à dire que l’Afrique et l’Asie notamment sont des continents jeunes en raison des tranches d’âge de leur population. Cette jeunesse devrait servir de pilier au développement national pour autant qu’elle soit formée de façon adaptée aux besoins et aux cultures des pays respectifs. A défaut, cela risque d’être contreproductif. La démarche intellectuelle risque de connaître des déviations et de devenir inapplicable ou incomprise par la population ».
30 propositions pour doper la Francophonie économique
Le Livre blanc du FIEF2022 s’articule autour de six parties : état de l’intelligence économique francophone ; analyse stratégique de la Francophonie économique ; défendre la Francophonie économique par l’intelligence collective ; explorer les territoires de l’intelligence compétitive ; influencer les normes au profit de la Francophonie économique ; comparer la Francophonie économique aux blocs concurrents. Il s’achève sous forme de recommandations par une série de propositions concrètes qui répondent aussi bien de la stratégie, de la méthode que des outils pour que cette belle langue en partage soit en plus de la culture et des valeurs, un ciment économique pour générer de la prospérité autour des principaux défis actuels de l’humanité.
L’économie maritime en Afrique francophone est un territoire à doper. C’est pourquoi, à l’occasion de cet ouvrage je m’y suis attardé en quatrième partie et conclue dans les termes suivants (28 ième proposition) : « Cette mer de tous les dangers, pour ne citer que l’émigration clandestine et l’intensification du trafic de drogue en provenance d’Amérique latine, est aussi la mère de toutes les opportunités. Il est incohérent, voire vain, de parler d’économie de la mer sans imaginer les fondamentaux cognitifs qui structurent toute une jeunesse, tout un espace économique, francophone fût-il. Le monde francophone doit par sincérité et crédibilité se doter sur le continent africain, où l’on parle le plus français, d’une Université Africaine de la Mer ainsi que d’un Musée Océanographique d’Afrique pour une prospérité partagée ».
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Biographie
Colonel, Attaché de Défense près l’Ambassade du Gabon au BENELUX, Diplômé de la promotion Général -major Raoul De Fraiteur (141TAW) de l’Ecole Royale Militaire de Belgique et du Centre de Formation en Administration de la Défense. Titulaire du MBA Stratégie et Intelligence Economique de l’Ecole de Guerre Économique de Paris, il est co-auteur du « Manuel de l’Intelligence économique en Afrique » ainsi que du Livre Blanc « Doper la francophonie économique ». Chef du Département Stratégie et Défense du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique (CAVIE).
Article paru dans le bulletin 85 de l’Observatoire d’Etudes Géopolitiques